La crise à laquelle doivent faire face les constructeurs automobiles est non seulement unique dans l'histoire de l'industrie, mais elle risque de durer longtemps. "2009, c'est l'année de tous les dangers, de toutes les possibilités. Personne ne sortira indemne de cette crise", a prédit Carlos Ghosn, PDG du groupe Renault-Nissan, lors d'une table ronde vendredi 12 décembre avec quelques journalistes.
Pour M. Ghosn, la crise actuelle est d'abord une crise financière. "L'industrie automobile est très consommatrice de crédit. Deux voitures sur trois sont financées à crédit. Si les marchés financiers restent dans l'état où ils sont, vous allez voir les constructeurs tomber les uns après les autres", a-t-il prévenu. Dans un contexte de renchérissement du coût du crédit, les constructeurs ont du mal à trouver des financements à des taux convenables. "Les taux d'intérêt ont baissé, mais on n'en voit pas la couleur", souligne M. Ghosn. Le groupe allemand Daimler a dit récemment qu'il avait l'intention de lever 1 milliard d'euros d'obligations à un taux supérieur à 9 %. Beaucoup trop cher pour M. Ghosn.
L'une des solutions pour l'industrie est de se tourner vers les Etats. Volkswagen a d'ores et déjà demandé l'aide de Berlin pour ses activités financières et bancaires. Le groupe allemand a précisé qu'il s'agissait d'obtenir des garanties publiques et non une recapitalisation.
"Ce que nous demandons à l'Etat, c'est un financement à des termes raisonnables, c'est-à-dire deux ou trois ans, et à des taux raisonnables, de 4 % à 5 %", indique M. Ghosn. Manifestement, l'industrie automobile française a été entendue. Le président de la République, Nicolas Sarkozy l'a dit à plusieurs reprises. Il n'est pas question de laisser tomber une industrie qui emploie un Français sur dix. "L'Etat a compris la gravité de notre situation et nous avons le sentiment qu'il va agir", affirme M. Ghosn qui espère des annonces dans les toutes prochaines semaines.
Dès le 1er janvier 2009, le patron de Renault-Nissan prendra sa casquette de président de l'Association des constructeurs automobiles européens (ACEA), "pour obtenir l'aide de 40 milliards d'euros demandée par l'ensemble des constructeurs européens". Le soutien financier de la France pourrait s'inscrire dans cette enveloppe globale. Il devrait être aussi assorti de conditions. "Si l'Etat nous aide, il est normal de s'engager à ne pas fermer d'usines. Je m'y suis engagé", affirme M. Ghosn.
En attendant ces financements, les constructeurs doivent prendre des décisions stratégiques. "En période de crise, il faut gérer ses liquidités, explique M. Ghosn. Cela passe par une réduction des investissements, des stocks mais aussi des cessions d'actifs et une plus grande vigilance vis-à-vis des créanciers." Le numéro un mondial, Toyota, envisagerait ainsi de réduire de 30 % à 40 % ses investissements pour passer la crise.
NE PAS "HYPOTHÉQUER L'AVENIR"
Renault, de son côté, a déjà abandonné certains projets, comme par exemple la remplaçante de l'Espace, pour préserver ses liquidités. Mais si l'obsession de M. Ghosn est de dégager des flux de trésorerie positifs en 2009 - ils devraient être négatifs en 2008 -, il juge dangereux "d'hypothéquer l'avenir" en arrêtant d'investir juste pour obtenir " une bouffée d'oxygène". Le constructeur continue donc de travailler à son projet de véhicule électrique. Pour M. Ghosn, cette crise est "bien pire" que celle de 1993, "pendant laquelle les marchés financiers avaient continué à fonctionner normalement malgré la récession. Nous n'avons pas encore touché le fond, et personne n'en voit la sortie."
Les "Big Three" (General Motors, Ford et Chrysler), en première ligne aujourd'hui, ne seront pas les seuls touchés. Du fait de l'appréciation du yen face au dollar et de l'effondrement des ventes de véhicules aux Etats-Unis, les constructeurs japonais, qui y réalisent entre 60 % et 70 % de leurs bénéfices, vont souffrir. Les Européens ne seront pas non plus épargnés. "Tout est possible, même les scénarios les plus fous", admet M. Ghosn.
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